Dans cet avis scientifique sur la politique en matière de santé publique, le Conseil Supérieur de la Santé de Belgique offre une évaluation des effets bénéfiques présumés et de la toxicité éventuelle de compléments alimentaires à base de levure de riz rouge pour la population belge. Cet avis formule également des recommandations spécifiques à l’intention des autorités en charge des politiques de santé publique et de nutrition, des professionnels de la santé et de la population en général.


Compléments alimentaires à base de levure de riz rouge : non dénués de risques pour la santé !
C’est à la demande de la Ministre Fédérale de la Santé que le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a examiné les effets et risques liés à la consommation de compléments alimentaires à base de Levure de Riz Rouge (LRR), largement promotionnés auprès du public et du corps médical.

Des compléments qui ont tout du medicament
La LRR est un produit originaire d’Asie qui provient du développement d’une levure (appelée Monascus Purpureus) sur du riz que l’on laisse fermenter. La coloration qui caractérise la poudre ainsi obtenue est due à la production d’un pigment rouge. Durant ce processus, il se forme également des molécules appelées monacolines dont l’une est en fait de la lovastatine, une substance hypocholestérolémiante du groupe des « statines ». Certains représentants de cette famille sont enregistrés comme médicaments et prescrits chez des patients présentant un risque cardiovasculaire spécifique élevé.

Actifs, sans véritable validation
Faute de statut légal, les préparations à base de LRR sont en fait librement commercialisées en tant que « compléments alimentaires » alors qu’elles ne renferment aucun composant à effet nutritif reconnu. De plus, des vertus bénéfiques leur sont attribuées, notamment sur la base d’une disposition de l’EFSA (Agence européenne de sécurité alimentaire) qui, sous certaines conditions, autorise l’allégation « favorable au contrôle du cholestérol sanguin ». Si la consommation de la LRR a effectivement des effets favorables sur le cholestérol sanguin, force est de constater que les préparations disponibles sur le marché (180 produits notifiés en Belgique) montrent une grande variabilité de composition (teneurs différentes en principe actifs et contenus non standardisés). De plus, ce sont parfois des mélanges de plusieurs produits dont les effets ne sont que peu voire nullement documentés, contrairement à ceux des véritables statines.

Mais pas sans risque
La consommation de LRR contenant des monacolines s’accompagne d’effets indésirables typiques de ceux des statines, à savoir : troubles musculaires, hépatiques, dermatologiques et digestifs. Ces préparations font aussi l’objet de contre-indications (femmes enceintes et allaitantes, antécédents d’atteintes musculaires, etc.) et sont potentiellement sujettes à des interactions médicamenteuses. L’association avec des statines est formellement contre-indiquée. Sa consommation ne peut dès lors se concevoir sans avis médical et surtout sans suivi attentif.

Vers une interdiction et une utilisation mieux encadrée
Dans les circonstances actuelles, le CSS recommande l’interdiction de la commercialisation de compléments alimentaires contenant de la LRR. Le CSS souhaite que de telles préparations soient soumises à l’examen d’une Commission d’agréation des médicaments et dûment positionnées parmi les médicaments hypocholestérolémiants. A défaut d’une telle mesure et dans l’immédiat, le CSS insiste pour que les préparations de LRR soient :

  • Sujettes à un contrôle strict de la part des Autorités compétentes en matière de compléments alimentaires et de phytomédicaments, ce qui demande l’émission rapide de normes spécifiques et une révision de toutes les préparations déjà commercialisées ;
  • Subordonnées à un accompagnement médical tendant à les intégrer dans une prise en charge globale des maladies cardiovasculaires et à veiller aux contre-indications ainsi qu’aux précautions d’emploi et au suivi des effets indésirables ;
  • Délivrées exclusivement en pharmacie, avec des normes plus exigeantes de qualité ;
  • Accompagnées d’informations dûment validées destinées au consommateur.

Une mise en garde énergique
Le CSS déplore que la LRR ne soit pas un cas unique en Belgique. En effet, il s’agit là d’un produit se trouvant typiquement dans une zone d’ombre de notre législation, entre l’aliment et le médicament avec, comme circonstance aggravante, un risque réel pour la santé publique. Une action énergique s’impose afin de clarifier le statut de tels produits qui, dans certains pays, sont de fait enregistrés comme medicaments.

L’avis, dans son intégralité (9312), se trouve sur le site internet du Conseil Supérieur de la Santé : http://tinyurl.com/CSS-9312-levure-riz-rouge