Les mycotoxines sont des substances toxiques produites par des moisissures et qui s'introduisent ainsi de manière non intentionnelle dans les denrées alimentaires.
Les mycotoxines suivantes sont abordées ici :
- Aflatoxines
- Ochratoxine A
- Patuline
- Déoxynivalénol (DON)
- Zéaralénone
- Fumonisines
- Citrinine
- Sclérotes d'ergot et alcaloïdes de l'ergot
- Toxines T2 et HT2
- Toxines d'Alternaria
- Autres mycotoxines
Une partie est également consacrée à la prévention et à la réduction des mycotoxines.
1. Aflatoxines
Certaines moisissures, dans des conditions tropicales, produisent des aflatoxines cancérigènes dans :
- diverses noix et graines oléagineuses (principalement dans les pistaches, les noix de Brésil, les cacahuètes et parfois dans les noisettes, les amandes, les noyaux d'abricots,...) ;
- les figues séchées et autres fruits séchés ;
- les céréales (surtout le maïs des régions tropicales, le riz et d'autres céréales) ;
- certaines épices comme le paprika en poudre, le piment en poudre, le poivre de Cayenne, le poivre noir et blanc, la noix de muscade, la poudre de gingembre et le curcuma.
C'est pourquoi des teneurs maximales en aflatoxines B1, B2, G1 et G2 ont été fixées pour ces denrées alimentaires. Des contrôles à ce sujet sont souvent effectués à l'importation des produits. Afin de ne pas trop entraver le commerce international, des compromis internationaux ont été conclus concernant les normes pour les aflatoxines. Citons à cet égard la Norme générale pour les contaminants et les toxines présents dans les produits de consommation humaine et animale. Ce n'est que lorsque les normes du Codex sont adoptées dans la législation européenne qu'elles produisent un effet juridique au sein de l'UE.
Les aflatoxines peuvent se retrouver dans le lait via les aliments pour bétail ; elles se présentent alors sous la forme d'aflatoxine M1. C'est pourquoi une concentration maximale stricte a été fixée pour l'aflatoxine M1 dans le lait et les préparations (de suite) pour nourrissons. Il existe également des normes pour les aflatoxines dans les aliments pour bébés et les préparations à base de céréales pour nourrissons et jeunes enfants.
Il est possible d'abaisser la teneur en aflatoxines en éliminant les noix racornies et moisies ou en enlevant par exemple la petite pellicule brune qui entoure les cacahuètes. La décontamination chimique est interdite parce qu'on en ignore les risques éventuels.
L'avis scientifique le plus récent est celui de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de 2020. Les consommateurs peuvent encore toujours être surexposés aux aflatoxines.
2. Ochratoxine A
Plusieurs types de moisissures peuvent produire l'ochratoxine A. Ce problème est caractéristique d'un stockage des céréales dans un endroit trop humide. Lors de la production de gluten de blé, l’ochratoxine A se concentre dans le gluten. Dans certaines baies, la substance est déjà présente au champ.
Le risque pour les reins était connu depuis longtemps suite à l'avis du Comité scientifique européen de l'alimentation humaine et, plus tard, à l'avis de l'EFSA de 2006. Après un nouvel avis de l'EFSA de 2020 face aux inquiétudes concernant les propriétés cancérigènes de l'ochratoxine A, certaines valeurs limites ont été abaissées, d'une part et, d'autre part, des valeurs limites ont été ajoutées pour des groupes d'aliments pour lesquels aucune limite n'avait encore été fixée. Les normes modifiées et les nouvelles normes sont applicables depuis le 1er janvier 2023 ; elles sont assorties de mesures transitoires pour les lots déjà commercialisés. Des teneurs maximales en ochratoxine A existent pour les céréales et les produits céréaliers dérivés et composés, le jus de raisin, le vin et les raisins secs, d'autres fruits séchés et le sirop de dattes, le café, certaines épices (dont principalement le paprika en poudre issu de pays lointains), la réglisse, l'extrait de réglisse (utilisé en gouttes) et les bonbons à la réglisse, la poudre de cacao, certains types de tisanes, les pistaches, les graines de tournesol, le potiron, le melon (la pastèque), le chanvre et les fèves de soja. Des normes plus strictes ont été fixées pour les aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants.
3. Patuline
La patuline apparaît principalement aux endroits pourris d'une pomme et donc également dans toutes sortes de produits à base de pommes comme le jus de pomme, la compote de pommes et le cidre, pour lesquels des concentrations maximales ont été fixées il y a vingt ans. Il existe des normes distinctes, plus strictes, pour les aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants. La Recommandation 2003/598/CE de la Commission européenne fournit davantage d'informations sur la prévention et la réduction de la contamination par la patuline du jus de pomme et du jus de pomme utilisé comme ingrédient dans d'autres boissons.
4. Déoxynivalénol (DON)
Le DON peut, d'une part, en cas d'exposition extrême, avoir un effet aigu caractérisé par des vomissements ; en pratique, ce type de risque est plutôt rare. D'autre part, à plus long terme, il entraîne un risque de retard de croissance en cas d'exposition prolongée à des niveaux plus faibles mais fréquents, et l'EFSA s'en inquiète.
Le déoxynivalénol (DON) se rencontre principalement dans le blé (y compris le blé dur), le maïs, l'avoine et d'autres céréales. Les problèmes liés au DON surviennent dans les champs de céréales et c'est là qu'ils doivent être évités au maximum. Une part importante des mycotoxines est éliminée lors de la fabrication de farine blanche. Le DON est soluble dans l'eau de sorte qu'il est éliminé en partie lors de la cuisson des pâtes.
Des normes ont également été définies pour certains aliments transformés. Chaque maillon de la chaîne assume sa part de responsabilité et les normes définies à trois niveaux (grains de céréales, produits de mouture et produits de consommation) permettent d'assurer le meilleur équilibre entre la protection des consommateurs et la faisabilité. Ceci implique que pour ne pas dépasser la teneur maximale, un fabricant peut être amené à imposer à ses fournisseurs des exigences parfois plus sévères pour les produits bruts que celles légalement prévues. Des normes ont été fixées pour le DON dans le Règlement 2023/915 pour les grains de céréales non transformés, la farine (semoule), la fleur de farine, le son, les pâtes, le pain, les pâtisseries, les biscuits, les collations aux céréales, les céréales pour petit-déjeuner, les aliments pour bébés et les préparations à base de céréales destinées aux nourrissons et enfants en bas âge.
L'avis de l'EFSA de 2017 traite également de substances liées au DON, telles que l'acétyl-DON qui peut également être produit par les moissisures et le DON-glycoside qui peut être formé par la plante quand elle se défend contre l'infection fongique. Il n'existe pas encore de normes incluant également les autres formes. Des normes ont été envisagées pour la somme du DON, du 3-Ac-DON, du 15-Ac-DON et du DON-3-glucoside, mais les données disponibles sont encore insuffisantes. Certaines teneurs maximales existantes en DON ont été abaissées pour protéger la santé publique, dans la mesure du possible, compte tenu des données récentes sur la contamination. Les normes du règlement (UE) 2024/1022 s'appliquent à partir du 1er juillet 2024.
5. Zéaralénone
La zéaralénone est fréquemment détectée dans le maïs principalement, et apparaît également dans l'huile de maïs. Il existe donc des normes non seulement pour les céréales non transformées, les produits de mouture (farine, fleur de farine, semoule, son, germes) et les produits de consommation tels que le maïs vendu aux consommateurs, le pain, les pâtisseries, les biscuits, les en-cas à base de céréales, les céréales pour petit-déjeuner, les aliments pour bébés et préparations à base de céréales destinées aux nourrissons et enfants en bas âge, mais aussi des normes pour l'huile de maïs.
La toxicité de la zéaralénone est liée à son effet de perturbateur endocrinien. Des études complémentaires sont encore nécessaires sur la contamination des aliments par des substances similaires, car l'alpha-zéaralénol aurait un effet encore plus préjudiciable à la santé (EFSA, 2016).
6. Fumonisines
Les fumonisines B1 et B2 sont surtout présentes dans le maïs provenant de régions chaudes. Les normes se limitent au maïs et aux denrées alimentaires à base de maïs.
Les fumonisines présentent un danger pour le foie.
7. Citrinine
En 2012, l'EFSA a conclu que la citrinine était toxique pour les reins. En ce qui concerne la citrinine, la seule norme applicable actuellement concerne les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge fermenté Monascus purpureus.
8. Sclérotes d'ergot et alcaloïdes de l'ergot
Les alcaloïdes de l'ergot sont les substances toxiques d'un champignon appelé Claviceps purpurea qui pousse sur les céréales et qui est en grande partie éliminé lors du nettoyage. La contamination fait l'objet d'un contrôle visuel de la présence de sclérotes allongés de couleur brun foncé à violacée entre les grains de céréales. Dans la plupart des céréales, l'application de bonnes pratiques agricoles et de techniques de tri et de nettoyage permet d'obtenir de faibles teneurs en sclérotes d'ergot. Des normes ont été établies pour les sclérotes d'ergot dans les céréales non transformées, à l’exception du maïs et du riz. Le seigle présente un risque de contamination plus élevé que le blé.
L'EFSA a examiné en 2012 la toxicité aiguë et chronique des alcaloïdes de l'ergot. Les toxines affectent la circulation sanguine.
Après la mouture, la contamination n'est plus visible à l'œil nu. Il est possible de nos jours d'analyser la farine et d'autres denrées alimentaires en laboratoire pour détecter la présence de ces toxines. La Recommandation 2012/154/UE a encouragé la surveillance de la présence d'alcaloïdes de l'ergot dans les aliments pour animaux et les denrées alimentaires. Les données collectées ont pu être utilisées en vue de l'élaboration de normes.
Pour 12 alcaloïdes de l'ergot, des normes ont été fixées pour les produits de la mouture de céréales, pour le gluten de blé et pour les aliments transformés à base de céréales destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Ces normes s'appliquent depuis le 1er janvier 2022.
9. Toxines T-2 et HT-2
Les toxines T-2 et HT-2 se rencontrent dans l'avoine et d'autres céréales de chez nous et de régions situés plus au nord.
Il existe une recommandation 2013/165/UE qui concerne la recherche et le suivi des tendances. La recommandation contient des valeurs indicatives pour les céréales et les produits à base de céréales. Compte tenu d'avis plus récents de l'EFSA (2017) concernant les effets aigus et chroniques de l'exposition aux toxines T-2 et HT-2, ces valeurs indicatives sont insuffisantes pour assurer la protection des consommateurs. Les toxines peuvent affecter le système immunitaire et les taux sanguins. Une gestion des risques s'impose.
Les normes pour la somme des toxines T-2 et HT-2 du règlement (UE) 2024/1038 pour tous les types de céréales et de produits à base de céréales s'appliquent à partir du 1er juillet 2024. D'ici au 1er janvier 2028, les progrès réalisés dans les mesures de prévention visant à réduire les niveaux de contamination par les toxines T-2 et HT-2 dans l'avoine et les produits à base d'avoine devront être communiqués.
10. Toxines d'Alternaria
Les moissisures Alternaria peuvent produire plusieurs toxines, dont les substances génotoxiques que sont l'alternariol et l'éther monométhylique d'alternariol, d'une part, et l'acide ténuazonique, d'autre part. Il existe un avis de l'EFSA de 2011 qui comporte de nombreuses incertitudes. L'EFSA a également publié en 2016 un rapport scientifique sur l'évaluation de l'exposition alimentaire de la population européenne aux toxines d'Alternaria. L'EFSA a conclu que l'exposition alimentaire chronique estimée aux toxines d'Alternaria que sont l'alternariol, l'éther monométhylique d'alternariol et l'acide ténuazonique est préoccupante d'un point de vue toxicologique.
La recommandation (UE) 2022/553 contient des recommandations de la Commission européenne à l'intention des États membres et des entreprises, visant notamment à mesurer - à l'aide de méthodes d'analyse sensibles - l'exposition aux toxines dans les produits transformés à base de tomates, la poudre de paprika, les graines de sésame, les graines de tournesol, l’huile de tournesol, les fruits à coque, les figues sèches et les aliments à base de céréales destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Le texte comprend également un tableau de valeurs indicatives permettant d'estimer quels sont les valeurs anormalement élevées qui nécessitent une recherche plus poussée sur les facteurs à l'origine de ces concentrations supérieures aux niveaux indicatifs et sur les effets de la transformation sur la teneur en toxines d'Alternaria. Les données collectées peuvent être utilisées ultérieurement en vue de l'élaboration de normes.
11. Autres mycotoxines
L'EFSA a également émis des avis sur les mycotoxines DAS (4,15-diacétoxyscirpenol), la moniliformine, le nivalénol, la beauvéricine, les enniatines, la stérigmatocystine et les phomopsines. Ces toxines ne constituent actuellement pas une priorité dans le cadre de la gestion de risques telle que l'élaboration de normes.
Prévention et réduction de mycotoxines
Les toxines du Fusarium se forment principalement dans les céréales lors de leur croissance dans les champs. Elles sont relativement difficiles à éviter. Elles se retrouvent dans la farine, le pain, les pâtes, les pâtisseries, les biscuits, les céréales pour petit-déjeuner et les en-cas à base de céréales. La Recommandation 2006/583/CE de la Commission du 17 août 2006 fournit davantage d'informations sur la prévention et la réduction des toxines du Fusarium dans les céréales et produits céréaliers. Elle s'applique au déoxynivalénol, à la zéaralénone, aux fumonisines et aux toxines T-2 et HT-2.
La Recommandation 2003/598/CE de la Commission européenne fournit davantage d'informations sur la réduction de la contamination par la patuline du jus de pomme et du jus de pomme utilisé comme ingrédient dans d'autres boissons.
Il existe des directives mondiales issues du Codex Alimentarius pour la prévention et la réduction :
- des aflatoxines dans les arachides;
- des aflatoxines dans d'autres fruits à coque (noix);
- des aflatoxines dans les figues sèches;
- des mycotoxines dans les céréales;
- des mycotoxines dans les épices;
- de l'ochratoxine A dans le vin;
- de l'ochratoxine A dans le café;
- de l'ochratoxine A dans le cacao;
- de la patuline dans le jus de pomme;
- d'aflatoxine M1 dans le lait (code d'usages pour la réduction en aflatoxine dans les aliments destinés au bétail laitier).